LOT 013

AANFM RCA
1923 - 1999
Canadien

Le drapeau inconnu—4e thème, no. 21
huile sur toile
au verso signé, titré sur l'étiquette de la galerie, daté février 1964, inscrit « 21 » / « repris - avril 82 » / « quatrième thème n° 21 » et étampé indistinctement
52 x 46 po, 132.1 x 116.8 cm

Estimation : 70 000 $ - 90 000 $ CAD

Vendu pour : 223 250 $

Exposition à :

PROVENANCE
Gallery Moos, Toronto
Collection privée, Toronto
Art canadien d’après-guerre et contemporain, Maison de vente aux enchères Heffel, 19 novembre 2008, lot 7
Acquis du susmentionné par une importante collection privée, Montréal

BIBLIOGRAPHIE
Constance Naubert-Riser, Jean McEwen, Colour in Depth : Peintures et oeuvres sur papier, 1951 - 1987, Musée des beaux-arts de Montréal, 1987, reproduit page 93

EXPOSITION
Gallery Moos, Toronto, The Unknown Flags, du 9 au 30 avril 1964
Musée des beaux-arts de Montréal, Jean McEwen, Colour in Depth: Paintings and Works on Paper, 1951 - 1987, 11 décembre 1987 - 24 janvier 1988, catalogue #42


Les circonstances à l’origine de la série de tableaux intitulée Le drapeau inconnu de Jean McEwen sont bien connues. Il y eut, au cours de l’année précédant l’exécution de cette œuvre, d’âpres discussions à la Chambre des communes au sujet du futur drapeau canadien. Comme il n’y avait aucun consensus sur son aspect, on décida de solliciter la collaboration d’artistes. Le magazine Canadian Art, qui parrainait le concours, reçut 789 propositions, dont celle de McEwen qui ne fut pas retenue. Dans le cas contraire, le Canada aurait été le seul pays au monde à avoir une peinture abstraite en guise de drapeau.

McEwen utilisa ce prétexte pour élaborer toute une série de tableaux sur différents thèmes qu’il exploita comme motifs formels, plutôt que comme contenu, et qui comportent tous un motif central cruciforme, comme dans Le drapeau inconnu – 4e thème, n° 21. Le grand abstractionniste russe Kasimir Malévitch fut interpellé par le même motif, comme en font foi Croix [noire] (1915), Croix noire sur ovale rouge (1920-1927) et Suprématisme (Croix blanche sur gris)(1920-1927). Le défi, pour Malévitch, consistait à n’attribuer aucune signification religieuse ou mystique à ce symbole, car il travaillait dans la Russie communiste. Ne voulant pas non plus donner de connotation religieuse à sa peinture – il s’agissait, après tout, d’un dessin pour un drapeau –, McEwen réussit à évoquer une forme indépendante de la croix dans son sens religieux, en rendant le rectangle orange vertical plus large que le rectangle noir, et en conférant à ces deux formes une symétrie que l’on n’observe pas avec un crucifix habituel, dont l’axe vertical est toujours plus long que l’horizontal.

Ce qui frappe tant dans le tableau de McEwen, c’est l’intensité de la couleur obtenue en recouvrant la toile d’une couche de vernis avant d’y ajouter la peinture à l’huile, à la spatule et avec la main. Cette technique donne à l’orangé et au rouge de la transparence qui contraste avec le noir en dessous. Le résultat est à la fois très pictural – on sent le geste de l’artiste qui a appliqué les coloris à main nue – et bouleversant.

Paul-Émile Borduas a encouragé McEwen à se lier d’amitié avec Jean Paul Riopelle lors de ses études à Paris, en 1951-1952. Ce dernier lui présenta Sam Francis et d’autres expatriés américains. McEwen découvrit alors le travail des peintres de l’abstraction chromatique, pour qui la couleur était plus importante que la forme, et Monet, un maître qui surpasse Picasso. Les critiques français, qui ne savaient que faire d’eux, créèrent le mot « nuagisme » pour qualifier leur peinture. En effet, Le drapeau inconnu – 4e thème, no. 21 n’est pas sans affinité avec l’œuvre d’un autre grand peintre américain, Mark Rothko, qui cherchait lui aussi à réintroduire un caractère tragique dans l’art abstrait, non pas grâce à la forme, mais plutôt en ayant recours à la couleur. Dans le tableau présenté ici, les vibrations intenses créées par les couches noires sous-jacentes donnent une certaine fragilité au rouge et à l’orangé, comme si ces couleurs pouvaient se dissiper en un instant. Peut-être ne sommes-nous pas si loin du mysticisme, après tout…

Feu François-Marc Gagnon, de l’Institut d’études en art canadien Gail et Stephen A. Jarislowsky de l’Université Concordia, a rédigé l’essai ci-dessus en 2008.


Estimation : 70 000 $ - 90 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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