Vendu pour : 361 250 $

PROVENANCE
Mira Godard Gallery, Toronto
Collection privée, Vancouver

Christopher Pratt a achevé August 1939 en 1985, une année charnière dans sa longue et remarquable carrière. Alors qu’il est déjà bien établi et reconnu, on lui consacre une exposition itinérante d’envergure nationale : « Christopher Pratt: A Retrospective » (Vancouver Art Gallery, Musée des beaux-arts de l’Ontario, Memorial University Art Gallery, Dalhousie Art Gallery). Cette exposition de mi-carrière permet au public canadien de se familiariser avec son approche caractéristique de la création. Soulignant le style distinctif et la cohérence du travail de Pratt au fil des décennies, August 1939 fait également écho à une autre œuvre de la rétrospective, House in August daté de1969 (vendu par Heffel le 21 novembre 2018, lot 22).

L’architecture domestique de sa Terre-Neuve bien-aimée est au cœur des tableaux, dessins et sérigraphies de Pratt. Comme il suggère dans ses œuvres que l’aspect personnel et le quotidien sont d’une importance cruciale dans nos vies, il est facile alors de comprendre pourquoi ce thème vernaculaire n’a cessé de l’inspirer. Les maisons sont aussi personnelles que banales. Leur caractère commun, presque banal, est important – il ne s’agit pas ici d’une « maison d’architecte » unique –, mais le mystère dont Pratt imprègne August 1939 l’est tout autant. On dénote facilement la référence saisonnière : les ombres marquées des meneaux des fenêtres sur les stores partiellement baissés des fenêtres – et sur le côté gauche de la maison – nous permettent deviner que nous sommes en été, à la fin de la matinée ou au début de l’après-midi. Mais pourquoi Pratt a-t-il précisé l’année 1939 ? Différentes hypothèses sont possibles, allant d’un souvenir d’enfance (Pratt est né en 1935) à un événement mondial tel que le pacte germano-soviétique conclu ce mois-là qui a permis à l’Allemagne d’envahir la Pologne peu de temps après, ou à la période de construction de la maison. Pratt ne nous dit rien et la maison est, bien sûr, muette, c’est-à-dire réceptive à notre imagination.

August 1939 respire l’harmonie, l’équilibre et la précision. Pourtant, plus on contemple le tableau, plus il semble mystérieux, mais toujours de manière bienveillante. L’ordre visuel rigoureux auquel tient Pratt peut rassurer au premier regard, mais une telle perfection non naturelle peut aussi sembler étrange. August 1939 se révèle être une énigme que l’on prend plaisir à résoudre. Les stores des fenêtres du rez-de-chaussée sont partiellement relevés, ce qui nous permet de voir les reflets de grands arbres qui se trouvent derrière la position de l’artiste et du spectateur. Toutefois, nous ne voyons personne. Le bleu soigneusement dégradé de la fenêtre est calibré pour s’harmoniser avec la palette choisie pour l’eau, tout comme les jaunes et les oranges modulés des herbes au premier plan trouvent un écho dans le jaune des murs et le vert des cadres de fenêtres. Une étude réalisée pour ce tableau au crayon de couleur et au graphite révèle comment Pratt en a élaboré la géométrie. Le dessin, cependant, comporte une foule de détails absents de l’œuvre finale, notamment des arbustes autour de la maison. Pratt les supprime pour obtenir l’hypersimplicité et le caractère direct caractéristiques d’August 1939.

Le dessin montre que Pratt a déjà pris à cette étape préalable une décision formelle qui ajoute grandement au mystère de l’œuvre : le haut de la maison est coupé, ce qui suggère qu’il ne s’agit pas d’un rendu architectural, mais plutôt d’une étude de la forme, déposée simplement et avec élégance au milieu d’un paysage d’herbe, de ciel et d’océan. La composition inhabituelle empêche l’œuvre de devenir prévisible ou aussi simple qu’elle le semble à première vue.

Nous remercions Mark A. Cheetham, auteur d’Alex Colville: The Observer Observed, qui a rédigé l’essai ci-dessus. Il est professeur d’histoire de l’art à l’Université de Toronto, conservateur indépendant et critique d’art.

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens

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