LOT 018

CC QMG RCA
1904 - 1990
Canadien

Les étoiles
huile sur toile
au verso titré, daté 1966 sur les étiquettes de la galerie et inscrit « Hackney »
30 7/8 x 67 7/8 po, 78.7 x 172.7 cm

Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Vendu pour : 169 250 $

Exposition à :

PROVENANCE
Galerie Agnès Lefort, Montréal
Collection privée, Montréal
Galerie Walter Klinkhoff Inc., Montréal
Acquis du susmentionné par la collection privée actuelle, Vancouver, 2003


Le premier tableau de grand format horizontal qu’a peint Jean Paul Lemieux se trouve aujourd’hui dans la collection royale de Sa Majesté la reine Elizabeth II. Il s’agit du sensationnel panorama de la ville de Québec, quatre fois plus large que sa hauteur, projet destiné à une murale qui ne sera jamais réalisée. Québec (projet de fresque), commencé en 1949 et retouché en 1952, clôt la période narrative de l’artiste (1940-1949). Au cours de la période suivante que l’on nomme classique (1956-1970), le format horizontal échappe allègrement aux normes du tableau de chevalet. Les peintures de Lemieux deviennent de longues fenêtres s’ouvrant sur des paysages atmosphériques où se perdent des figures anonymes. Les patineurs du soir de 1962 (collection particulière) et Une journée à la campagne de 1967 (Musée national des beaux-arts du Québec) offrent des exemples dont le format horizontal haut d’une vingtaine de cm peut s’étirer jusqu’à 178 cm.

« Je trouvais les formats classiques ennuyeux », confiait Lemieux à Guy Robert en 1972, « leurs proportions ne me permettaient pas de rendre bien compte de l’horizontalité, de son poids, de son oppression sur l’homme . » Montréal l’hiver, exécutée en 1965 et vendue par la Maison Heffel en 2012 (collection particulière), traduit bien cette sensation d’oppression de la foule urbaine, entassée sur une surface trois fois plus longue que haute. Au retour d’un voyage en Gaspésie, au printemps 1962, Lemieux adopta une écriture minimaliste : certains paysages se résument alors à trois plans de couleurs sur des surfaces de très grands formats en expansion latérale.

Les étoiles est un formidable témoignage de ce travail d’autant qu’il privilégie le paysage nocturne enveloppé de silence et d’intemporalité si caractéristiques de l’art de Lemieux. « Le silence de la nuit, je le connais bien » disait-il, « parce que je m’éveille souvent la nuit, et j’écoute ». Le silence, c’est de regarder un ciel tout étoilé et d’entendre, à peine, le froissement de quelques feuilles d’arbres . » Aucun chuchotement, aucun frémissement ne se fait entendre dans ce nocturne où les étincelles lumineuses d’une ville lointaine à l’horizon répondent au scintillement des étoiles dans le ciel. À celui qui s’étonnera de la simplicité de la proposition, on lui répondra que l’économie des détails et l’absence de récit narratif font place ici au paysage intimiste, dont Lemieux est un interprète accompli, paysage chargé d’émotions intérieures, évocatrices du glissement du temps dans l’espace. On ajoutera que le calme ambiant de cette nature, réduite à ses éléments fondamentaux, est factice : en l’observant attentivement, l’image s’active de coups de brosse qui suivent les gestes du peintre en action. Le champ de forces sombres du plan oblique contraste nettement avec les qualités atmosphériques et lumineuses des plans de neige et du ciel. Enfin, les textures chromatiques, les tonalités et les valeurs concourent à la puissance expressive de ce paysage d’hiver de grand format, somptueusement chatoyant.

En comparaison avec les nocturnes de la même période, - Chacun sa nuit, 1963, Nuit sans étoile, 1964, Orion, 1967 et Sylvain et les étoiles, 1970, pour n’en nommer que quelques-uns -, Les étoiles n’a pas connu de vitrine publique. Son parcours s’est déroulé à l’abri des projecteurs, pendant près de quarante ans. Si l’absence de signature et de date de réalisation est intrigante, l’historique de provenance est en revanche solidement documenté par l’épouse de l’artiste qui en consigne la vente en 1966 à la galerie Agnès Lefort . Les étoiles a conservé son encadrement d’origine, fait de simples baguettes de bois, comme le peintre le réclamait de son encadreur, Roland Gastonguay, propriétaire de la galerie Au parrain des artistes à Québec. Au verso, sur le montant supérieur du châssis, l’identité du premier collectionneur est inscrite. On y retrouve également l’étiquette de la Galerie Agnès Lefort de même que celle de la Galerie Walter Klinkhoff où l’œuvre a transité avant d’être vendue, il y a une vingtaine d’années.

Nous remercions Michèle Grandbois, auteure de Jean Paul Lemieux au Musée du Québec, d'avoir contribué à l'essai ci-dessus. Cette œuvre sera incluse dans le prochain catalogue raisonné de l'artiste actuellement en préparation par Michèle Grandbois.

1. Guy Robert, Lemieux, Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, 1975, p. 248

2. Ibidem, p. 194

3. Fonds Jean Paul Lemieux et Madelaine Des Rosiers, Bibliothèque et Archives nationales du Canada, R6612


Estimation : 100 000 $ - 150 000 $ CAD

Tous les prix affichés sont en dollars canadiens


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